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Un certain chêne vert
30 août 2010

Belzébuth

Il avait établi sa garnison dans nos pénates depuis plusieurs années. Le jardinet, enfoui sous le volubilis était un terrain idéal pour celui qui aimait se cacher à l’abri des rivaux toujours prêts à se battre pour conquérir ce territoire, à commencer par le seigneur des lieux qui dut capituler, la vieillesse venue. Un jour, celui-ci disparut et on ne le revit plus jamais. A 19 ans il s’en était allé mourir, sans tambour ni trompette. Il s’installa donc sans vergogne dans ce bout de terrain. Oh, il y avait bien quelques voisins ! Mais il puait tant que rien que son odeur les faisait fuir : normal, il sentait le soufre. Sa gueule était à moitié rongée par la gangrène qui menaçait, il avait perdu toutes ses dents, il était maigre comme un clou, mangeant les restes des autres abondamment nourris, volant ce qu’il pouvait en passant par les fenêtres, laissant à chaque fois sa signature nauséabonde et flasque sur un lit ou un tapis.

Les choses étaient ainsi faites quand nous arrivâmes, chien et chat dans nos bagages. La guerre était déclarée. E l’avait déjà vu plusieurs fois tandis qu’il entamait les travaux et l’avait chassé ; mais têtu, il réapparaissait sans cesse, le narguant, couché en sphinx et crachant son fiel malgré les armes dissuasives : un grand bâton de canne de Provence.

La forêt amazonienne disparut de notre jardin qui se disciplina comme le doit être un jardinet bien élevé. Mais Belzébuth était toujours là, résistant et crachant sa hargne après ma chienne qui n’avait aucun pouvoir contre lui, hormis celui d’aboyer sans effet et, dans la nuit, de sombres bagarres éclataient entre Anis, notre chat et ce galeux, mal élevé de la pire espèce. Les hurlements réveillaient tout le quartier et Elvire, une voisine eut pitié. Elle le recueillit, le soigna, le fit castrer et le nourrit de pâtés puisqu’il était édenté. Pensez-vous qu’il se serait civilisé, ce bougre ? Et bien non, le diable ne s’éduque pas, il envahit, il possède. Depuis ce temps, il a une dent, sa dernière, contre nous, nous jette des regards maléfiques quand il nous observe du haut de son toit.

Ce soir, pendant que nous dînions sur la terrasse, dehors, il s’approcha de la fenêtre de la cuisine sur ses grandes pattes, le poil hirsute, les yeux crachant les éclairs du diable. Il savait sans doute qu’Anis dormait tranquillement sur la chaise, repu de ses croquettes réclamées à 18 heures tapantes comme d’habitude par des miaulements stridents et irrésistibles. Tendant son cou au maximum, il chercha comment il pourrait sauter du muret pour pénétrer par la fenêtre puis, sentant le danger d’une telle entreprise, il regarda alors s’il pourrait s’introduire subrepticement par celle du bureau, laissée ouverte pour rafraîchir la maison. Tapi derrière la vigne vierge, il observait sans rien dire, attendant son heure qui ne vint pas : je fermai les volets à l’espagnolette, ce qui ôta toute perspective à cette entreprise.

Alors, Belzébuth s’installa sur le petit toit étroit, faisant fi de ma présence. Le soir est tombé. A l’heure où j’écris ces lignes, il est encore là. Dès potron-minet, il partira, tel un vampire, se cacher dans l’ombre, attendant son heure de vengeance ou se calera sur le toit d'Elvire, me défiant de loin.

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Au loin, sur le toit d’en face, un comparse peut-être, les yeux brillants, n’en perdit pas une miette.

 

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