Rester de marbre
Son souffle rythmait son effort, une deux, une deux, tandis que ses petites pattes nageaient sous l’eau. Seuls son dos et sa truffe humide dépassaient de l’onde verdâtre de l’étang. Il se dirigeait vers le large, revenait vers le bord, sans trop s’approcher cependant, repartait puis tournait en rond. Les ondes produites par ses efforts se propageaient, s’agrandissant en cercles concentriques successifs jusqu'à moi. L’entraînement semblait dur et la petite bête fatiguait. Son regard en disait long sur l’incompréhension de la situation. Pourquoi les bords étaient-ils si hauts ? Que faire pour s’en sortir ?… Juste nager, il n’y avait pas le choix, nager jusqu’à épuisement, jusqu’à ce que les membres ne veuillent plus obéir, jusqu’à ce que la tête disparaissent un court instant pour reparaître dans un ultime effort pour sauver sa peau…
Mais pourquoi ce bateau échoué au bord n’a-t-il plus de rames ? Pourquoi la branche que j’ai ramassée et qui semblait assez longue se casse-t-elle ? Pourquoi repart-il ce crétin vers le large dès qu’il voit que j’essaye de l’attirer à moi avec une nouvelle branche, trop courte cette fois ? Pourquoi est-il tombé ? N’a-t-il pas repéré le danger ? Pourquoi la statue un peu plus loin nous regarde-t-elle bêtement avec ses yeux de marbre ?
Il n’y a plus d’espoir, je cours à l’accueil pour demander de l’aide. J’ai l’air cruche ! Sauver cette petite bête est-ce si important ? La dame téléphone quand même à l’homme d’entretien mais, un dimanche, va-t-il se bouger ? J’en doute. Ils n’ont même pas une longue épuisette !
Je suis retournée vers le bord. Tout était calme, l’eau était d’huile mais au fond sûrement, un petit corps gisait, les piquants aplatis sur son dos : c’était un hérisson !