Le manteau de Saint Martin
Tous les jours, je passe non loin de cet endroit, soit pour promener ma chienne, soit pour aller jusqu’à ma voiture. Depuis quelques temps, vit là un pauvre hère, un de ceux qui n’a pas de maison et qu’on appelle communément un SDF. Cet endroit n’est pas une cabane, c’est simplement un vague abri, trop petit pour qu’on puisse s’y abriter complètement et sûrement pas s’y allonger vraiment. C’était sans doute un auvent à poubelles ou quelque chose de ce genre. Il se trouve juste à l’entrée de la propriété de cette maison en ruines, un peu particulière car elle a un vague air de vieux château hanté dont j’ai déjà parlé et nommé « la maison de l’Ambassadeur », laquelle est située, en effet, au pied de la colline du château médiéval.
Notre homme vit donc là, au milieu de la verdure et tous les soirs, il vient y dormir, polluant un peu plus chaque jour les lieux des détritus de ce qu’il a trouvé à manger : barquettes, emballages Mac Do etc… Il a récupéré un fauteuil qui se déplie en canapé, laissé pour compte dans la rue en vue de ramassage d’encombrants. Et c’est ainsi qu’il passe ses nuits, fourré dans son sac de couchage, le bonnet sur la tête, roulé en boule, surtout quand il pleut parce qu’alors ses pieds dépassent de l’abri et il est mouillé.
Jusqu’alors, je ne me souciais pas trop de lui, il n’est malheureusement pas le seul et il ne faisait pas vraiment froid. Mais depuis quelques jours, on a beau être sur la côte d’Azur, le thermomètre, la nuit, descend en-dessous de zéro et j’avais de plus en plus mauvaise conscience en passant non loin.
Puis l’idée m’est venue, une idée toute simple, pourquoi n’y avais-je pas songé plus tôt ? Chez moi, j’ai une petite tente dont je ne me sers quasiment plus, disons qu’elle ne m’est pas nécessaire en ce moment. Pourquoi ne pas la lui donner ainsi il aurait au moins un toit sur la tête ?
Ce matin donc, comme je passais sur le chemin, notre homme se lève et enfile son gros pull, il n’a pas fait la grasse matinée, il fait -2, ce qui n’est sûrement rien à côté des températures de chez vous, mais quand même. Alors je prends mon courage à deux mains et je l’appelle. C’est un jeune d’un âge un peu indéterminé mais qui n’a pas dépassé la trentaine et je lui fais ma proposition de tente, persuadée qu’il va être ravi.
Il me regarde d’un air un peu ahuri et me rétorque : « qu’est-ce que vous voulez que je fasse d’une tente ? » ; Ben évidemment, je ne m’étais pas posé le problème sous cet angle et je lui dis qu’il pourrait la monter le soir et la démonter le matin, il serait plus au chaud… Non, finalement, ça ne l’intéresse pas. D’ailleurs me dit-il, je rentre chez moi le 11 ou le 12. Sur ceux, en réponse à ma question, il m’affirme qu’il n’a pas froid la nuit, que ça va, ramasse ses affaires en toussant à pleins poumons (!!!) et s’en va, il descend dans la ville. Il a sa fierté cet homme!
Finalement, n’est pas Saint Martin qui veut, même avec la meilleure volonté du monde.