Au coeur du mistral
C’était un grand soleil aujourd’hui, tout juste ponctué de quelques nuages gris et roses. Le vent avait soufflé dans la nuit, faisant tinter doucement la porte de notre chambre. Il aurait fallu mettre une petite cale en papier mais j’avais eu la flemme de me relever et je m’étais rendormie tranquillement. J’aime assez le vent. Les chevaux eux, n’aiment guère, ils le craignent et sont parfois assez excités lorsqu’il souffle en rafales. Le mien ne déroge pas à la règle mais son âge vénérable l’a rendu sage, quoiqu’aujourd’hui, il m’ait embarquée dans un petit tourbillon de saute-mouton et deux ou trois ruades, au passage d’une moto de cross qui redémarrait après avoir gentiment éteint son moteur pour ne pas effrayer ma bête. J’ai aimé cet élan de joie, prouvant ainsi qu’il apprécie les promenades. Il n’a pas cherché à me virer, juste montré qu’il pouvait se croire jeune cheval.
Nous sommes allés sur la crête, dans le ventre du mistral, là où il soufflait bien fort, vers le nord-est, vers la grande plaine de Russie, en direction de la Navarre. Au printemps, il faudra que je pousse jusque là (pas jusqu’en Russie, quoique, pourquoi pas ?) mais c’est une promenade de toute une journée, ou de toute une vie si je pousse si loin vers l'est. Vers l’ouest, les collines, au loin, forment des barres qui semblent infranchissables. Au retour, je repasse devant ce petit grangeon qui n’a plus de porte et qui dut être maintes fois pillé. Il reste une pauvre chaise en bois à la paille crevée et rongée par les rats. Ça fait longtemps que je voulais le prendre en photo, et là, la luminosité était idéale : toute rose dans le soleil couchant. Elle domine un petit pré où je galope parfois et qui dut peut-être être une vigne.
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