Volubilis chéri

8 septembre 2011

Je les traque et les empêche de venir envahir mon jardin Ils ne respectent rien, exploitent ce qu’ils dominent. J’ai fait leur connaissance le jour où j’ai visité ma maison pour la première fois. Quand la dame de l’agence a ouvert les volets donnant sur l’extérieur, leur bleu pervenche m’a sauté aux yeux. Ils avaient submergé tout l’espace, proliféré sur le grillage, l’habillant voluptueusement, cachant sous leurs volutes le raisin sucré d’octobre, celui qui nous avait attendus. Leurs doigts immenses et fins s’enroulaient sur le toit de la voisine et retenaient l’eau de pluie qui s’infiltrait goutte à goutte l’hiver dans sa maison. Tout dessous, impénétrable à nos yeux un petit citronnier tentait de survivre encore un peu dans ce labyrinthe bleuté qui ne laissait passer que l’ombre du soleil

Le volubilis

Toi qui m'entends sans peur te parler de la mort,
Parce que ton espoir te promet qu'elle endort
Et que le court sommeil commencé dans son ombre
S'achève au clair pays des étoiles sans nombre,
Reçois mon dernier vœu pour le jour où j'irai
Tenter seul, avant toi, si ton espoir dit vrai.

Ne cultive au-dessus de mes paupières closes
Ni de grands dahlias, ni d'orgueilleuses roses,
Ni de rigides lis : ces fleurs montent trop haut.
Ce ne sont pas des fleurs si fières qu'il me faut,
Car je ne sentirais de ces raides voisines
Que le tâtonnement funèbre des racines.

Au lieu des dahlias, des roses et des lis,
Transplante près de moi le gai volubilis
Qui, familier, grimpant le long du vert treillage
Pour denteler l'azur où ton âme voyage,
Forme de ta beauté le cadre habituel
Et fait de ta fenêtre un jardin dans le ciel.

Voilà le compagnon que je veux à ma cendre :
Flexible, il saura bien jusque vers moi descendre.
Quand tu l'auras baisé, chérie, en me nommant,
Par quelque étroite fente il viendra doucement,
Messager de ton cœur, dans ma suprême couche,
Fleurir de ton espoir le néant de ma bouche.