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Un certain chêne vert
8 décembre 2014

Regrets éternels

Vendredi, je suis arrivée après cinq heures de route dans cette petite ville de l’île de France. Enfin, à mon époque c’était une petite ville. Maintenant elle fait partie de la grande agglomération parisienne. C’est là que je suis née, c’est là que j’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence et même plus encore.

Je suis donc arrivée en voiture, en ce jour de grève des trains je n’avais pas trop le choix. J’ai traversé la ville, subie les encombrements de la rue de Paris, je n’ai pas reconnu certains quartiers que je traversais, les usines de jadis sont devenus des résidences et centres commerciaux. Je me suis laissé conduire par mes souvenirs et certains noms de rue ont résonné dans ma mémoire défaillante. Les sens uniques m'ont interdit d'y pénétrer. J’ai trouvé une place difficilement dans une petite rue annexe. Ce vieux bâtiment existait encore, celui qu’on appelait la salle Saint Léon et où on organisait les spectacles de Noël et danses de fin d'année. Pourquoi n’avait-il pas été rasé comme le reste ? Ce pan de mon enfance, celui du patronage avait persisté au-delà des ans. Ah, si! un collège privé, le collège saint Léon, avait poussé dans le parc et les élèves, adolescents d’aujourd’hui qui en sortaient, ressemblaient à tous les jeunes de partout, ils étaient de maintenant alors que moi, j’étais d’hier, perdue dans cet endroit qui n’était plus le mien mais que j’aurais aimé encore revendiquer. Mais comment exiger des choses qui n’existent plus. Même ma maison d'enfance, celle de mes souvenirs avait été rasée, mais ça ce n’était pas une découverte, j’avais tant pleuré, jadis, devant ce tas de pierre. Je me suis arrêtée au bord de cette rivière, aux eaux sombres, même pas belle en cet endroit, celle-là même qui coulait au fond de mon jardin, celle-là qui me valut une fessée le jour où ma mère me découvrit, jouant avec des copains dans le vieux lavoir sous le pont, revenant du catéchisme ! Je suis enfin arrivée à l’église, une demi-heure à l’avance sous ce ciel gris plombé qui recouvre si souvent cette région en hiver. Petit à petit quelques visages familiers m’ont rejointe, pauvres visages ridés : 30 ans de plus et on se reconnaît encore : « Mais non, tu n’as pas vieilli, tu es restée la même, juste tes cheveux sont un peu plus blancs. J’étais sûre que tu serais là ». Et puis elle est entrée, portée par ses trois fils et son petit-fils qui peinaient sous le poids, l’église était comble. Le cercueil était plus lourd qu’elle, le bois avait plus d’avenir que ce petit corps tout ratatiné allongé à l’intérieur vêtu, m’a-t-on dit, d’un tailleur d’été. « Elle ne doit pas avoir bien chaud a dit un de ses proches », humour noir en ce jour triste, gris, froid et humide.

Hier, j’ai enterré ma deuxième Maman. « J’ai enterré mon enfance » ai-je murmuré à l’oreille de mon amie alors que nous étions toute les deux ensembles ! Je n’ai plus rien à faire dans ce lieu hormis me souvenir, je n’ai plus de chez moi ! Après la petite collation d’usage, celle qui réchauffe le corps et le cœur de ceux qui ont du chagrin et qui permet de reprendre pied dans la vie et de se retrouver bien vivants, j’ai fui vers les encombrements parisiens !

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Commentaires
Z
oui, Martine écrit très bien, plume légère et élégante, sensible. J'adore...<br /> <br /> nous te lisons avec tant de joies.
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P
@Ghislaine, je suis d'accord, Martine devrait plus écrire et Anne** ouvrir un blog, mais se dévoiler toujours n'est peut pêtre pas leur nature ou alros le cheminement se fait peu à peu, c'est à elles de voir........... Mais si elles voient, pour nous cela serait avec grand plaisir.
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G
ah , Martine , quand est ce que tu te mets à écrire ! tu racontes avec tant de sensibilité ce triste événement de la vie , ce retour dans ton passé qui a été effacé d'un coup de gomme , c'est tout .
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F
Le buffet d'orgue est absolument superbe. Et cela ne te consolera pas mais j'ai vécu, il y a de nombreuses années, le même drame en voulant revoir un village où j'avais passé 6 ans de mon enfance. La maison de mes grand parents avait été rasée et à sa place un carrefour énorme entourée de ses quatre côtés d'immeubles modernes. J'en ai carrément pleuré.
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G
Bonjour Martine,<br /> <br /> <br /> <br /> Tu écris très bien. Je crois que tant qu'on est bien avec soi-même, on est chez soi partout. <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée.
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Un certain chêne vert
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